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Un peu de tout et de rien !
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4 décembre 2007

Tout est bon dans l'cochon !

Le Cochon à l'oreille coupée


C'est par hasard que je suis tombée sur Le Cochon à l'oreille coupée en allant farfouiller à la bibliothèque. Je choisis toujours les albums que je veux lire au hasard depuis quelque temps, j'y vais , comme on dit "au feeling". Mais, si non seulement j'étais intriguée par la couverture de cet album là, je me suis souvenue qu'il était dans la liste des albums recommandés par le Ministère de l'Education Nationale. J'ai donc encore moins hésité à l'embarquer sous mon bras. C'est un ouvrage qui a été sublimement écrit par Jean-Luc Fromental et illustré par Miles Hyman aux éditions Seuil Jeunesse. La couverture, qui représente le tableau d'un cochon à l'oreille coupée, posé contre une barrière à la campagne, n'est pas sans rappeler l'autoportrait que Van Gogh avait fait alors que le célèbre peintre s'était sectionné un morceau d'oreille. Un thème de la peinture déjà perceptible donc.

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Deux cochons parfaitement jumeaux naissent dans une ferme. On décide de les appeler Noèl et Léon. En suivant son frère dans un jeu, Léon passe sous un engin agricole et se coupe une oreille. Les deux jumeaux ne se ressemble plus. Léon qui a frôlé la mort, découvre et appréhende autrement le monde. En faisant connaissance avec un peintre, le jeune cochon découvre en lui un don : celui de peindre. Il connaît un grand succès et Noèl sont frère est engraissé de son côté. Las d'être toujours convoité, Léon accepte la proposition de Noèl : Noèl se coupe une oreille et le remplace alors que Léon s'enfuit. L'un est libre et l'autre reste en vie. Mais les experts en peinture ne tardent pas à découvrir la supercherie et Noèl finit en jambon …



Une qualité de langue exceptionnelle.

Rares sont les albums qui proposent autant de texte à lire sans négliger l'importance des illustrations ! Si bien qu'on a beaucoup plus envie d'appeler ça un roman illustré ! Ca aurait pu être une succession de phrases simples, opaques, sans grand intérêt, mais c'est tout le contraire. On a affaire à l'utilisation d'un vocabulaire très riche jouant sur l'utilisation des synonymes, d'une foison d'adjectifs, de description accrochantes, de divers niveaux de langues, bref, une syntaxe des plus élégantes au service d'un langage onéreux et varié.


La Gémellité remise en question?

On a au départ deux jumeaux tout à fait identiques. Le texte insiste bien sur le fait qu'ils n'ont aucune différence physique même pas une petite tâche sur le museau. Leurs comportements initiaux sont identiques, ils s'amusent, font des bêtises, se sentent plus fort à deux. L'un prend le pas sur l'autre comme dans beaucoup de couple gémellaire.

Mais après l'accident de Léon, ils perdent leur ressemblance physique et cette perte de ressemblance se joue aussi au niveau psychologique. Noèl reste le petit cochon insouciant prêt à faire des bêtises et Léon apprend à voir le monde autrement : il a frôlé la mort et commence à ressentir d'autres choses et à s'émerveiller de toute trace de vie. Ils deviennent alors tout deux complètement différents : l'un aspire à une autre philosophie et à devenir artiste,l'autre n'évolue pas et reste tel qu'il est.


La Gémellité qui semblait les lier est tout à coup brisée et le couple gémellaire formé par les deux cochons devient inexistant d'autant plus qu'ils vont faire leur vie chacun de leur côté.


A mon sens il faut voir ici, qu'on se ressemble tous, mais qu'on est tous différent de par notre vécu, notre expérience, et qu'on a tous quelque chose de particulier à développer.


Ceci étant, on pourrait croire à la fin que le couple gémellaire formé par Noèl et Léon est reconstitué : ils se ressemblent à nouveau comme avant mais ce couple gémellaire est un couple forcé, bâti sur le mensonge et la tromperie puisque Noèl se coupe une oreille pour pouvoir ressembler à nouveau à son frère et tromper tout le monde et le couple gémellaire est à nouveau séparé et définitivement rompu lorsque Noèl est transformé en jambon !

On remarquera que c'est le menteur qui dans l'histoire est transformé en nourriture.

Un anthropomorphisme particulier


Quelle idée de s'attarder sur l'anthropomorphisme des personnages ! C'est très fréquent dans les albums : les animaux parlent et ont des attitudes humaines. Oui mais là, je trouve que cet anthropomorphisme est profond. Déjà, les cochons peuvent parler aux adultes, en général, ou du moins dans les albums que j'ai lu, seuls les enfants pouvaient les entendre et communiquer avec eux. Ensuite, c'est la place d'artiste que prend le cochon dans la société humaine qui est intéressante, il développe son don, créé comme un véritable artiste humain.

Psychologiquement il devient humain. Ca n'est pas que par le fait de pouvoir parler ou le fait d'avoir des comportements similaires à ceux des hommes.


Une double initiation à l'art

L'art est le thème principal qui ressort de l'album. Déjà en voyant la couverture on soupçonne que l'histoire aura un quelconque lien avec l'art. Le récit expose une véritable initiation à l'art : le parcours et l'éclosion de la fibre artistique de Léon. Lui, après son accident voit le monde autrement, lui peut l'exprimer à travers la peinture et c'est ce qu'il fait. Et c'est d'ailleurs ce qu'explique le vieux peintre que les deux cochons vont rencontrer lors d'une escapade :


"La peinture, disait-il, est un art. L'art de représenter les choses telles qu'on les voit, telles qu'elles sont, ou telles qu'on aimeraient qu'elles soient […] on crée un monde nouveau, on ouvre une fenêtre sur un pays qui n'existait pas. La peinture? Mais c'est la beauté à l'état pur! C'est l'art divin par excellence !"

Mais pourquoi parler de double initiation à l'art ? Parce que le lecteur est tout autant invité à faire la découverte de la peinture et de l'art et qu'on assiste à une véritable mise en abîme de la peinture et de l'art : une sorte de "méta-art" , de "méta-peinture", qui explique ce qu'est la peinture et l'art. La littérature est un art, la littérature illustrée aussi, cet album est une œuvre d'art…etc etc…


Mais ce que l'on comprend surtout, c'est que l'art c'est une manière d'exprimer ce qu'on ressent et que chacun a un don particulier qu'il doit développer.


Et le lecteur dans tout ça?

Le lecteur se laisse porter par l'histoire, se laisse emporter par l'histoire. Et lui aussi en vient à réfléchir. A réfléchir profondément à ce qui peut faire que lui aussi est un artiste et avec quoi il sait s'exprimer.


Cela m'a touchée profondément, car après cette lecture, je me considère comme une artiste, parce que quand je chante c'est beaucoup de ce que je ressens qui ressort : les choses comme elles sont, telles qu'elles sont ou comme j'aimerais qu'elles soient.




Un petit bijou , que dis-je un chef-d'œuvre que je conseille à tous, petits, grands, artistes ou pas.



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Commentaires
M
ce soir, je deviendrai le boukrou au poil coupee d'abord !<br /> <br /> (j'allais repondre serieux puis j'ai vu tes mouches ... PS: il faudrait que tu en fasses un livre de tes dessins de mouches ! ca cartonne :p)
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