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Un peu de tout et de rien !
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7 janvier 2008

Une grande femme.

Annie Ernaux



Au fil de mon aventure estudiantine en filière littéraire, de nombreux ouvrages sont passés sous mes yeux, et je m'en suis délectée de beaucoup. En seconde année de Lettres modernes, alors que je suivais un cours de littérature française dont le corpus était composé de diverses œuvres ayant pour thème "La jalousie", j'ai croisé un petit livre intitulé L'Occupation dont l'auteure n'est autre que la brillante Annie Ernaux.



Elle fut fille des petits quartiers normands. Fille d'ouvriers qui furent aussi commerçants. Fille d'un milieu social assez modeste, elle était une bonne élève. C'est à l'Université de Rouen, qu'elle a poursuivi ses études supérieures, en Lettres modernes, et ce jusqu'à l'agrégation pour devenir à son tour professeur de Lettres modernes aujourd'hui retraitée. Mais elle aime écrire. Le plus cinglant dans sa manière de narrer sa vie, c'est le refus de ce côté fictionnel que peuvent avoir la plupart des romans. Rien est imaginé, fantasmé, créé, elle est juste purement autobiographe. Elle décrit son vécu, les émotions qui l'ont traversée à un moment ou un autre ou qui la traversent au moment de l'écriture, sans fioriture aucune, sans enjoliver, sans en faire des tonnes inutiles, sans camoufler. Les mots sont parfois abruptes, choquent, violentent. Mais ses mots sont vrais et touchent profondément.

 

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Je ne parlerai pas des livres que je n'ai pas lus. Ca ne serait que du copié-collé wikipédiesque ou googlesque , quel intérêt de donner son avis sur un livre en s'inspirant d'avis déjà tout prêts. Et encore, si je parle des livres que j'ai lus, ça ne sera que très succinctement.


Comme je le précisais plus haut, j'ai découvert cette autobiographe à travers L'Occupation. Rien à voir avec la deuxième guerre mondiale, ni les toilettes publiques. Il s'agit de l'occupation de l'esprit. L'occupation de l'esprit d'une jalouse maladive, l'auteure elle-même, qui cherche sans relâche à savoir qui est la nouvelle femme de son ex qu'elle a quitté. Elle est hantée, obsédée, poursuivie par ses pensées, ce besoin incessant de connaître l'identité de cette femme, sa profession, son adresse et de repenser à cet homme par des souvenirs fréquemment axés sur la remémoration précise de son sexe. On se laisse entraîner dans cette vague insignifiante de jalousie, d'espionnage malsains et chaque émotion nous transperce; chaque désir , chaque déception, chaque engouement devient le nôtre. Si bien qu'on le lit à vitesse grand V sans s'en rendre compte. J'ai tout simplement beaucoup aimé les confessions intimes offertes par l'auteure qu'on s'approprie aisément comme pour vivre soi-même cette histoire folle mais vraie et je le conseille à qui veut entrer dans l'univers instable du jaloux et le comprendre.

 

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Et puis récemment, j'ai pu lire sur une matinée, lors de ma trépidante journée en train, un livre de cette même auteure, intitulé l'Evénement. Je savais déjà que ce livre allait me plaire. Pourquoi? Parce que c'était d'Annie Ernaux et que son style m'avait déjà tellement marquée et émue auparavant que je savais déjà que j'allais dévorer ce livre plus passionnément qu'un carré de chocolat après une semaine d'abstinence en sucreries. L'Evénement? Un titre aussi énigmatique que l'Occupation quand on y pense. Un mariage? Un diplôme? Une naissance? Une naissance ou presque. Annie Ernaux y expose le déroulement de son avortement à une époque où c'était encore un acte hors la loi, hors des mœurs, hors de la morale, impensable, un acte caché dont personne n'osait parler et qui pouvait rapidement salir une réputation. Elle a 23 ans lors des faits et est encore étudiante. Elle ne peut pas concevoir d'être mère maintenant et se rend à l'évidence : elle ne peut garder cet enfant. Ses tentatives d'avortements accidentels échouent. Elle se rend chez une "faiseuse d'ange" et c'est là que l'impensable la secoue. C'est tout simplement poignant, à la fois pudique et impudique, sincère, émouvant, brutal, douloureux. C'est vrai. Elle avoue avoir mis longtemps à écrire entièrement ce livre sur cet avortement, elle y transcrit des notes qu'elle tenait dans son agenda concernant le déroulement de la chose. Ses émotions sont fortes et nous transpercent. Mais contrairement à d'autre livre traitant de la douleur ou de la maladie, il n'y a pas de pathétique. Elle met en mots, avec objectivité, parfois un peu de brutalité, ce qu'elle a vécu, ce qu'elle a ressenti jusqu'à l'expulsion même du fœtus de son ventre. Encore une fois, on le vit avec elle. Elle est finalement comme un peintre qui illustre sa réalité, mais avec des mots vrais et cinglants.

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Certains me diront "Mais le lecteur est très voyeur quand il lit ces bouquins". On pourrait le croire, parce qu'on y lit la vie d'une femme, ses douleurs, sa vie. Mais, il faut aller au-delà et y voir une manière  de transmettre des émotions , un vécu de manière poignante et sincère. Annie Ernaux prétendait que la littérature était un "témoignage". Et comme beaucoup d'œuvres littéraires, ses écrits invitent à la réfléxion et sont en quelques sortes des enseignements à leur façon. Ils sont une exploration intérieure d'une vie et donnent  finalement envie d'écrire soi-même...

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